Après Pacotille, l’enfant esclave, l’héroïne continue son récit consacré à sa vie de jeune esclave dans les plantations de la Martinique dans un second tome intitulé : L’île de la liberté.
Nzinga, alias Pacotille, est la grand-mère de la petite Lukeni. Elle a été déportée d’Afrique dès l’enfance, transportée dans la cale d’un bateau négrier jusque dans la région des Amériques. Dès le premier tome, Pacotille (surnommée ainsi en raison du peu d’importance accordé aux jeunes esclaves par les négociants) raconte son histoire pour éveiller, à travers sa petite-fille Lukeni, la conscience de tous les enfants lecteurs du vingt-et-unième siècle. Pacotille a survécu aux atrocités de l’esclavage et a réussi à regagner sa terre natale africaine. C’est pourquoi elle raconte son histoire depuis le royaume du Kongo (désormais appelé Angola).
Dans ce nouveau Tome, Pacotille réussit à fuir la Martinique puis apprend à lire sur l’île de Waiti’Kubuli (aujourd’hui appelée île de la Dominique) grâce au dévouement d’un père missionnaire français.
La liberté y est incarnée par des actes symboliques (l’apprentissage de la lecture), par des actes de lutte (la fuite des exclaves) et par des dénouements heureux (la réunion de Pacotille et de sa maman, le départ de Pacotille vers la France qui scellera sa destinée de femme libre).
Le scénario de Corbeyran et Aurélie Bambuck est une fiction tirée de faits réels. Conjugué aux illustrations réalistes d’Olivier Berlion et Christian Favrelle, cette bande dessinée est agréable à lire pour plusieurs raisons. On retiendra :
- L’habileté de la narration qui place l’archétype du senior au cœur du processus de transmission ;
- La subtilité du récit, qui repousse les stéréotypes en exposant les faits historiques où la solidarité des hommes de couleur (Kalinagos et africains notamment) est mise à rude épreuve et où certains hommes blancs sont, soit des alliés de pacotille vers la liberté soit eux-mêmes des esclaves sous-contrats, dits « engagés ».
- La clarté des dialogues et des illustrations qui racontent une histoire tirée de faits historiques complexes, à hauteur d’enfant.
- Le dénouement heureux dans ce contexte criminel, pour susciter l’éveil, sans ressentiment.
- La possibilité offerte aux jeunes lecteurs d’approfondir la relation profonde qui existe entre l’Afrique et les Antilles depuis cette époque. En effet, l’arrivée des habitants du royaume Kongo ne s’est pas arrêtée après l’abolition de l’esclavage aux Antilles (1848).
Entre 1854 et 1864, plus de 18 500 femmes, hommes et enfants de plusieurs pays d’Afrique continuent d’être envoyés aux Antilles pour y travailler la terre. Appelés « Kongos », ces travailleurs étaient pour la plupart des « captifs rachetés » par des recruteurs qui leur imposaient un contrat de travail, dit « engagement », dans des plantations de canne à sucre en Martinique ou en Guadeloupe. Les travailleurs Kongos furent une main-d’œuvre servile, dont les employeurs s’efforçaient à n’être pas accusés d’esclavagisme, dans le contexte abolitionniste de la première moitié du XIXe siècle. Leurs descendants antillais restent fortement attachés aux traditions Kongo.
Le livre est disponible aux éditions Jungle.
Titre : Pacotille : L’île de la liberté (Tome 2)
Auteurs : Corbeyran, Aurélie Bambuck
Illustrations : Olivier Berlion, Christian Favrelle.
Éditeur : Jungle éditions (mai 2023)
Fiche de lecture/critique de livre
Rédacteur : Laurence MARIANNE-MELGARD