Si vous êtes un parent, vous avez certainement déjà eu envie de trouver un livre pour votre enfant. Mais vous ne savez où commencer. Après un tour chez le libraire du coin, vous vous rendez compte que la majorité des livres jeunesse qu’il possède ont des personnages étrangers dans lesquels votre enfant s’identifiera difficilement. Vous savez pourtant que des écrivains comme Alain Serges Dzotap ou Kidi Bebey ont publiés de magnifiques livres pour enfants, mais vous ne savez comment y avoir directement et facilement accès. Si c’était possible, de visiter le catalogue jeunesse d’un éditeur de votre ville, vous en serez certainement ravi.
Seulement, vous ne connaissez presqu’aucun éditeur car ils ne parlent pas suffisamment d’eux. Ceux que vous découvrez après avoir googlé, ne disposent pas de site web. Et ceux qui en disposent ne sont point dans votre ville, ce qui risque augmenter le prix final du livre, en ajoutant les frais de livraison. Découragé par tous ces périples pour avoir accès au livre pour enfants, allez vous commander tout de même et attendre la livraison, ou alors tout simplement abandonner?
Tel est le dilemme ou casse-tête auxquels certains parents camerounais rencontrent lorsqu’ils veulent se procurer un livre pour leur progéniture. Dans cette analyse, j’explore les facteurs expliquant cette difficile accessibilité du livre jeunesse local et martèle sur la nécessité d’un soutien public gouvernemental pour changer la donne.
Une difficile circulation du livre.
Dans toute étude sur la relation entre le phénomène de mondialisation du livre et la méconnaissance de l’édition africaine au Nord, on est tout d’abord exposé au problème de la disponibilité et de l’accessibilité des ressources documentaires. Par quels moyens et où trouver ces dernières, si ce n’est directement sur place ? On constate alors que les principaux accès sont situés au Nord. A ce propos Raphaël Thierry[1]signale que l’accès documentaire à la production éditoriale du continent dans sa globalité expose le lecteur, le chercheur ou le professionnel du livre, à deux difficultés :
- La concentration des ressources auprès de quelques opérateurs centralisateurs, et
- La dispersion de ces mêmes ressources entre pôles de spécialités (linguistique, anthropologie, littérature, etc.) et aires linguistiques (francophonie, Anglophonie).
Or, pour une littérature en voie de constitution comme c’est le cas avec la littérature d’enfance et de jeunesse, la manière dont le produit est mis à sa disposition est l’une de celles auxquelles le critique, de même que les éditeurs, doivent impérativement répondre. Malheureusement les conditions de diffusion et de distribution font que la production de livres de jeunesse n’atteint que difficilement son public cible. Non seulement peu nombreux sont ceux qui peuvent se targuer d’être au courant de ce qui se publie, mais cela relève de la gageure de trouver sur le marché local le dernier texte ou album des auteurs comme Kidi Bebey, Jessica Reuss Nliba ou Daniel Sévérin Ngassu. Les écrivains jeunesse résidant au Cameroun sont l’objet d’une médiatisation presque nulle, à l’exception des rares festivals et du SILYA où les plus connus sont invités.
De l’accessibilité numérique du livre jeunesse au Cameroun
L’avènement des NTIC bouleverse toutes les logiques marchandes et les réseaux de promotion-diffusion de l’édition jeunesse Camerounaise et africaine. L’intégration des potentialités du numérique dans la chaîne du livre jeunesse peut considérablement améliorer sa visibilité et sa commercialisation sur le marché international des biens culturels.
Bien qu’ils reconnaissent le potentiel économique, ludique et éducatif du numérique, les acteurs de la chaine du livre au Cameroun, sont peu ou pas formés à l’usage du numérique et sont découragés par les couts exorbitants d’accès à internet, les problèmes d’électricité (ENEO) et de maintenance du matériel informatique. Le SMS et Facebook sont les moyens de communication les plus sollicités. Par exemple, l’association Solidarité pour l’Environnement et le Développement Durable et le CDDR ne disposent que de pages Facebook qui ne sont pas régulièrement mises à jour. Le Blog du Centre Culturel Kidi Bebey n’est plus maintenu depuis 2013. Or, celui du Centre de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC), très actif présente les différentes prestations et offre de service du centre. Pareillement pour celui des éditions Akoma Mba
Seules les médiathèques des instituts français facilitent véritablement un accès numérique à leur offre jeunesse à travers leur plateforme en ligne Culturethèque et des équipements numériques conséquents. Par exemple, la culturethèque est accessible aux abonnés des Instituts Français et Alliances Française, leur permettant d’accéder digitalement à des ouvrages produits et publiés par Hachette FLE, Clé international et Samir éditeur pour les livres audios en français facile, Iznéo côté BD, ou encore La Souris qui raconte, Storyplay’r et Tralalère pour les plus petits! Mêmement pour les Centre de lecture et d’Animation Culturelle (CLAC) dirigé par Charles Poeghela, qui a lancé en 2013 des programmes comme la «Khan academy», une «plate-forme d’apprentissage des mathématiques, aux élèves du CM1 & CM2, à travers la vidéo», explique Fleur Chekam, la responsable bibliothèque.».
Des partenariats entre les organisations internationales – OIF, Commonwealth – pourraient inciter les Etats à investir davantage dans le numérique en bibliothèque. C’est déjà le cas pour certaines des bibliothèques universitaires (Douala, Yaoundé), mais l’action devrait s’étendre aux bibliothèques jeunesse car c’est durant l’enfance que l’on devrait chercher à cultiver le gout de la lecture auprès des citoyens.
A l’ère de la « bataille des
contenus[2] », le Cameroun doit plus que jamais passer du
statut de consommateur à celui de producteur pour équilibrer la balance. Si l’Afrique
veut peser, il faut prendre
des initiatives sous régionales, compte tenu du contexte de mondialisation
où l’éducation se situe au cœur des efforts déployés pour l’avènement d’une
économie fondée sur le savoir.
[1] Raphaël Thierry, « De l’édition camerounaise au marché international du livre », African Research & Documentation, vol. 123, 2013, Journal of Scolma, p. 38.
[2] Alain Just Coly, L’Afrique a-t-elle perdu la bataille des contenus numériques ? Réseau Télécom Network N° 52.