Entretient de Anna et Yamma Gomis réalisé par Hermann Labou pour Munaka Kalati
Brève présentation des deux auteures
Les deux auteures, franco-bissao-guinéennes, sont natives de Mantes-la-Jolie. Issues d’une fratrie de 6 enfants, elles ont été éduquées dans le respect des valeurs de la communauté Manjak dont elles sont originaires. Yamma, la cadette de 38 ans, est maman d’un petit de 2 ans et exerce la profession de gestionnaire opérationnelle le jour et auteure jour et nuit ! Sa sœur aînée Anna, quant à elle, a toujours exercé dans le domaine de l’audiovisuel. Après quelques années à la direction de la fiction de TF1, elle intègre le Groupe Lagardère Studios (aujourd’hui Mediawan) où elle crée le Pôle Afrique au sein duquel elle supervise mais aussi signe des séries telles que Renaissance (TV5 Monde) ou encore Manjak (Canal+). Aujourd’hui, la maman d’une fillette de 12 ans, se présente comme auteure, scénariste, réalisatrice.
Comment s’est passée votre première expérience avec les livres et la lecture ?
Nous avons toujours baigné dans l’univers du livre. Notre maman mettait un point d’honneur à ce que ses enfants lisent et écrivent et nous ne la remercierons jamais assez pour ça. S’agissant de modèles, ils ne manquaient pas. Nous avons fortement été influencées par nos sœurs aînées mais aussi par une de nos cousines germaines de Vernon. Nous avons naturellement pris goût à cette activité qui nous permettait de nous évader et de vivre milles et une aventures. Si la maison regorgeait de bouquins, notre caverne d’Ali Baba était indéniablement la bibliothèque Alliers de Chavannes de Mantes-la-ville où les livres par milliers nous tendaient leurs bras. Vous ne pouvez pas imaginer comme nous attendions impatiemment les mercredis et samedis !
Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir la BD comme genre d’expression pour les enfants ?
Le choix de la BD nous a semblé le plus adapté à notre vision et nous avons eu la chance de collaborer avec un éditeur qui pensait exactement comme nous. Pour nous, le pays Manjak est un univers complet, tout aussi coloré et que mystérieux et il fallait imager ce monde pour accompagner le jeune (et moins jeune) lectorat dans cette plongée. Nous voulions qu’il s’en s’imprègne, qu’il s’imagine et se voit marcher sur le sable rouge de nos villages, se retrouve au milieu de nos forêts verdoyantes et s’y sente tout petit… La BD par définition est un genre plus vivant et a aussi ce pouvoir de faciliter l’identification aux différents personnages que l’on sache lire ou pas.
Quel message voulez-vous transmettre aux enfants à travers le livre
Notre message est pluriel. Les enfants doivent comprendre que les traditions, quelles qu’elles soient, fondent nos sociétés et que leur respect est fondamental pour leur préservation et leur perpétuité.
Il s’agit également de capitaliser sur la notion de famille et de la replacer au centre de notre histoire, d’où l’idée de la bande de cousins, comme il en existe partout à travers le monde.
Enfin, grâce à Lilani et ses cousins, chaque enfant pourra s’identifier et se rendre compte à quel point ses préoccupations et émotions sont universelles. D’ailleurs, le Tome 2 en élaboration s’inscrit dans la même logique.
Que pensez-vous de la création d’une application pour rendre disponible les œuvres africains de jeunesse ?
On doit profiter de ce que les nouvelles technologies et autres outils peuvent nous permettre de mettre en place pour une large diffusion des œuvres en général. S’il faut passer par la dématérialisation du livre alors pourquoi pas ? La musique voyage et est facilement accessible, le livre devrait pouvoir l’être. Aujourd’hui la difficulté est de donner ou redonner à la jeunesse le goût de la lecture.
Dans une autre mesure, une telle application permettrait à un enfant vivant en Bolivie et un autre en Roumanie de découvrir nos cultures et nos histoires. C’est une opportunité incommensurable. C’est dans l’enfance que l’ouverture d’esprit se construit. Malheureusement, aujourd’hui encore, en voyageant dans certaines parties du globe, on se rend compte que cette ouverture est souvent manquante.
Menez-vous des actions pour la promotion de la littérature de jeunesse au Sénégal/ en Afrique ?
La première action a été de créer cette BD. La bonne nouvelle est qu’elle est déjà disponible au Maroc, au Bénin, en Côte d’Ivoire et bientôt au Togo et au Cameroun.
Un dernier mot ?
L’Afrique est une terre de héros, il nous faut encore plus de héros africains et de BD africaines !