«J’écris des histoires depuis que j’ai 10 ou 11 ans.», Interview avec Bethy Ntocko-Nkowa , propos recueillis par Hermann Labou pour Muna Kalati

Biographie 

Bethy Ntocko-Nkowa née SENGUE NTOCKO Berthe Rosine au Cameroun, en 1987. Animée par la passion d’aider les enfants à atteindre leur plein potentiel, elle a fondé en 2017 le centre Langa Lé Ndé Bia qui est devenu en 2023 Akamai kids. Un lieu où les enfants peuvent apprendre en s’amusant, développer les soft skills, leur autonomie et leur confiance en soi. Femme aux multiples talents et capacités,  elle œuvre pour introduire dans le cœur de ces futurs leaders, les codes pour faire d’eux des enfants heureux, justes et spirituels. Une méthode phare qu’elle utilise est de développer l’imagination de ces bouts de choux qui ont entre 2 et 6 ans  et de raconter des histoires qu’elle écrit elle-même. C’est ainsi que naturellement, elle entre dans le monde de la littérature jeunesse avec son premier livre La petite maman édité chez Andinkra jeunesse en 2022 et deux autres ouvrages Jade et Passy visitent Yaoundé et Jade et Passy visitent Douala en vente sur Amazon. Malgré les nombreuses options professionnelles qui s’offraient à elle, elle a décidé de prendre le chemin le moins fréquenté et de répondre à l’appel de son cœur en entrant dans le domaine de l’éducation. En plus d’être éducatrice, elle est mère, épouse et  standup-euse. 

 Parlez-nous de vous, de votre parcours scolaire, de vos expériences d’enfance, y compris votre exposition culturelle et votre environnement. Comment ces expériences ont-elles influencé vos valeurs et votre vision de la vie ?

Je m’appelle Sengue Ntocko Berthe Rosine, plus connue sous les noms Bethy Ntocko-Nkowa. Diplômée en gestion des petites et moyennes organisations en IUT de Douala et formée Montessori (une pédagogie d’éducation alternative) et Son-Rise Program (un programme d’accompagnement des enfants autistes).

Enfant, j’étais introvertie et je me réfugiais dans les livres ou l’ordinateur. La maison de mon enfance joyeuse, avec papa qui joue souvent de la guitare, maman chante et les enfants qui dansent. Non, mes parents ne sont pas artistes. Ils aiment juste ça. Ce n’était pas tous les jours la joie, Il y avait aussi des troubles. J’étais une enfant joyeuse et mes moments préférés étaient ceux que je passais avec mes frères et sœurs. Nous étions tous différents à la maison, mais curieusement c’était le même principe d’apprentissage pour tout le monde à l’école comme à la maison. Je ne comprenais pas trop la logique, ce qui a fait que j’étais une sécheuse de cours. Pourtant j’aimais apprendre. Je séchais pour rentrer à la maison apprendre à ma manière les cours de la veille. (Non ce n’est pas bon de sécher les cours)

Je pense que c’est de là qu’est partie cette idée de créer un programme éducatif où les enfants pourraient apprendre à leur rythme. Adulte, je suis tombée sur la pédagogie Montessori.  

S’il y avait une chose que vous pourriez changer dans la façon dont les parents africains élèvent leurs enfants, quelle serait-elle et pourquoi ?

Je n’ai rien à changer dans la façon dont un parent éduque son enfant. Je pars du principe qu’on fait ce qu’on peut et qu’on donne ce qu’on a reçu. Je dirais plutôt qu’est-ce que les parents africains ont besoin pour mieux éduquer leurs enfants ? De l’amour, du respect et beaucoup de confiance en soi. Ils en ont besoin pour eux même, ensuite ils le donneront à leurs enfants. 

 Aimiez-vous lire dans les premières années de votre vie ? 

Oui, beaucoup. On en avait à la maison et nous étions inscrits à la bibliothèque de toutes les écoles qu’on fréquentait, mes frères et moi. En entrant au lycée j’étais très timide et je me réfugiais très souvent dans les livres et la lecture. Et dans mon lycée à l’époque on obligeait les enfants à avoir une activité extra-scolaire au sein de l’école. Moi, ayant peur de la grande foule, j’ai préféré les après-midis à la bibliothèque. Et comme je pouvais rentrer avec les livres illustrés intéressants, mes frères et sœurs se sont aussi inscrits. J’aimais beaucoup les livres illustrés, et les contes de tout genre. 

Quels sont les livres pour enfants que vous avez lus quand vous étiez jeune et comment ont-ils influencé vos valeurs et vos croyances ? 

Je lisais le club des cinq, les livres d’aventures et les contes de fées. Les harlequins, les BD, beaucoup de livres pour enfants chrétiens publiés par les témoins de Jéhovah. Par exemple Le recueil d’histoire biblique, Écoute le grand enseignant. Et plus tard adolescente je lisais Les jeunes s’interrogent volume 1 et 2 (Ce livre m’a particulièrement aidé durant mon adolescence. 

Avez-vous eu l’occasion de lire des livres écrits par des auteurs africains ? Que pensiez-vous de ces livres lorsque vous étiez enfant ?

Je n’en ai pas vraiment lu quand j’étais enfant. Car je n’en trouvais pas. Honnêtement je ne cherchais pas spécialement des livres écrits par des africains. Les seuls que j’ai commencé à lire étaient des livres au programme scolaire. Du coup je me disais que les noirs écrivent seulement pour l’école. Et comme je n’aimais pas le système éducatif, je m’ennuyais quand je les lisais. J’ai aimé par contre le livre Le lion et la perle de Wolé Soyinka au programme scolaire au lycée.  Les petits garçons naissent aussi des étoiles d’Emmanuel Dongala et Verre cassé d’Alain Mabanckou (ce n’étaient pas au programme scolaire). Ici je parle d’une expérience qui commence à la phase de préadolescence.

L’écriture est une compétence essentielle dans la vie, mais beaucoup la trouvent difficile à maîtriser. Comment avez-vous développé l’amour de l’écriture ? 

Tout le monde qui aime lire, à la capacité d’écrire, de bien écrire, de raconter de belles histoires. Toutefois il reste difficile dans la mesure où on a besoin d’une bonne dose d’inspiration pour dire ou écrire les choses de façon à toucher le cœur du lecteur. En ce qui me concerne, je lisais déjà beaucoup de livres pour enfant, C’est pourquoi, c’était « facile » d’imaginer et de raconter des histoires à mes élèves. Je connais de grands auteurs à mon avis qui hésitent à publier par peur de décevoir le public ou parce qu’ils ne sont pas encore prêts. Moi, j’écris souvent avec des fautes d’orthographe ou de linguistique. Je dois me relire de nombreuses fois pour corriger. Et des fois me faire lire par une autre personne. C’est aussi un frein pour beaucoup, qui se disent qu’ils ne maîtrisent pas bien la langue.  

Est-ce quelque chose que vous faites facilement ?

Je vais répondre oui. Mais pas à la perfection. J’écris des histoires depuis que j’ai 10 ou 11 ans. Des camarades de lycées qui me reconnaîtront en lisant pourront en témoigner. Car certains étaient mes lecteurs. J’aimais écrire surtout des histoires fantastiques, car je baignais à l’époque dans l’univers d’ Alice au pays des merveilles et des histoires de pouvoirs magiques sur la chaîne d’animation Mangas. Je me souviens à l’instant d’une histoire que j’avais intitulé Pégas le cheval ailé. (Morte de rire) Je précise que je faisais aussi les illustrations car il fallait que mes lecteurs voyagent pour de vrai.  J’étais une grande rêveuse, et je pense que je le suis encore. C’est pourquoi j’ai commencé à écrire si tôt. Dans mes histoires, j’étais libre d’être qui je voulais. C’est tout mon côté artiste. 

Quels sont les conseils d’écriture que vous aimeriez partager avec nous ?

Moi j’écris comme je parle. Du coup je pense que c’est plus simple à la compréhension. Surtout pour les plus petits. Car depuis que je travaille dans la petite enfance, j’utilise un vocabulaire assez simple pour qu’ils comprennent et j’ajoute des mots et phrases soutenus pour qu’ils s’interrogent. Lire d’autres auteurs, écrire pour faire rêver, enseigner, éduquer et donner espoir.

Quels sont les difficultés et les obstacles que vous avez rencontrés ? L’accès aux éditeurs a-t-il été facile ? 

Ça n’a pas été une difficulté particulière pour moi de rencontrer l’éditeur. Je pense que les choses arrivent toujours au bon moment quand on est prêt.

Quelle est la réception de votre travail auprès du public ?  

Il faut leur demander, je pense. Au regard du nombre  de ventes, on peut se dire que  la petite maman,  a été bien accueillie par les consommateurs.  

Avez-vous des stratégies à proposer aux acteurs de la littérature de jeunesse pour mieux communiquer sur les productions destinées aux enfants ?

Je pense que ce qui est déjà fait est très bien. La foire du livre pour enfants SALAFEY qui a été lancée en 2022 est à féliciter. Les acteurs de la littérature jeunesse gagneraient à encourager et participer à ce type d’initiative. 

Que pensez-vous de la situation générale du livre et de la lecture dans votre pays ? En Afrique ? Avez-vous des propositions à faire pour améliorer sa gestion ?

Pour la situation du livre en Afrique et au Cameroun en particulier, je pense que nous sommes en train de voir naître une génération consciente qui sait que le livre a sa place dans notre culture et que nous devons raconter nous-même notre histoire. 

Pour améliorer cette dynamique, il serait bon de remettre aux couleurs du jour des bibliothèques actives dans les écoles, lycées et collèges. D’organiser et médiatiser toutes les actions autour du livre, afin que nul n’ignore. 

Quelle est votre vision de l’avenir de la littérature pour enfants au Cameroun et au-delà ?

Je souhaite que la littérature jeunesse camerounaise traverse les frontières. Que les livres soient tous des best sellers. 

Si vous deviez vous décrire en trois mots, quels seraient-ils ?

JOIE-AMOUR-FOI

Un dernier mot ?

Merci d’exister et de faire ce beau travail. Milles pensées positives à Muna Kalati

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