Introduction à la littérature jeunesse du Cameroun, livre de 207 pages est l’un des plus récents ouvrages de recherche sur la littérature de jeunesse en Afrique francophone sorti chez L’Harmattan France en 2019. Son auteur est Ngnaoussi Elongué Cédric Christian, un chercheur et promoteur culturel d’origine camerounaise mais à l’identité afropolitaine.
Il s’agit de l’adaptation d’une thèse de mémoire soutenu en 2017 à l’Université Senghor d’Alexandrie dans la filière Gestion des Industries culturelles sous le thème : « Littérature d’enfance et de jeunesse en Afrique contemporaine : état des lieux et perspectives pour la légitimation et la promotion du livre de jeunesse au Cameroun à travers un site web » sous la direction du Professeur Bernard Miège.
L’objectif principal de l’auteur est accroître la visibilité et légitimité de la littérature de jeunesse au Cameroun et en Afrique. L’ouvrage concourt à redorer le blason de ce secteur hautement stratégique et porteur d’emploi pour les pays du Sud, hélas oblitéré. L’ouvrage se diversifie profondément par le fait de percevoir la question au travers de toute la chaine du livre au Cameroun : de la création à la réception de l’œuvre auprès du public.
Il est d’abord question pour Elonguè, dans le premier chapitre « Etat des lieux du livre francophone de jeunesse au Cameroun », de dresser un état des lieux sur la littérature de jeunesse au Cameroun. À cet effet, suite à une recherche pointilleuse, minutieuse sur le terrain, plusieurs informations clés sont portées à la connaissance du lecteur. L’historique du livre jeunesse est passé au peigne fin, cette approche abordant l’offre éditoriale, les œuvres classiques, les plateformes de promotion, de socialisation et de légitimation existantes sur le territoire camerounais.
Ainsi donc, depuis l’avènement de la première BD avec La grenouille et le milan de Yohannes Yerima en 1932, beaucoup d’eau avait coulé sous le pont, des auteurs célèbres comme Eno Belinga, Gervais Mendo Zé, Marie Claire Matip, Christian Kingué Epanya, Jessica Reuss Nliba, Charles Binam Bikoi, Francis Bebey, sa fille Kidi Bebey et bien d’autres ont porté le flambeau du livre jeunesse en offrant une œuvre diversifiée et nombreuse.
Les tentatives éditoriales les plus pertinentes dans le domaine éditorial sont le fait des Editions Akoma Mba et des Editions Tropiques exclusivement dédiées au secteur jeunesse, bien que les autres éditeurs CLE et Ifrikiya s’y intéressent également. Les mastodontes comme EDICEF venues du Nord disposent d’un monopole sur le marché local du livre scolaire.
Les plateformes de légitimation restent peu utilisées des acteurs du domaine en question. En général, le marché local du livre de jeunesse est embryonnaire, dépendant de l’extérieur et les acteurs n’exploitent pas pleinement le potentiel économique et symbolique de l’édition jeunesse.
Le deuxième chapitre « Médiation et perspectives du livre jeunesse au Cameroun » analyse également les formes de légitimation de l’édition jeunesse. L’auteur indique que malgré l’existence d’un marché du livre jeunesse, celui du Cameroun est encore embryonnaire, au regard de la faible visibilité des acteurs (écrivains, éditeurs, libraires etc.), et l’inadéquation entre l’offre et la demande locale.
La puissance du numérique demeure également insuffisamment exploitée dans la médiation du livre auprès des jeunes, la majorité des bibliothèques ou centre de lecture, ne disposant pas d’une infrastructure technologique pour faciliter la consultation des catalogues à distance. Quelques initiatives existent en vue de faciliter cette médiation, mais les plus pérennes viennent des institutions culturelles étrangères (Institut Français, Goëthe, etc.).
En dernier ressort, au chapitre III, « L’accessibilité du livre camerounais pour la jeunesse : le projet Muna kalati » ; Christian Elongue y aborde une expérience entrepreneuriale pertinente en vue d’apporter du sang neuf à ce secteur au Cameroun. Dans une démarche de recherche-action, l’auteur ne s’est point limité à établir un constat, mais va plus loin en créant une association pour œuvrer dans la promotion du livre jeunesse au Cameroun et en Afrique.
Il s’agit de l’association Muna Kalati, une plateforme d’expression pour les lecteurs, libraires, éditeurs, parents et écrivains de livre pour la jeunesse. Au travers du magazine trimestriel « Muna Kalati », cette association entend contribuer non seulement à la visibilité des acteurs du livre jeunesse, mais aussi à la légitimité, au travers de plaidoyers pour l’intégration de la littérature jeunesse dans les curricula d’enseignement des écoles normales, ainsi que dans les centres de recherche universitaire.
Quelques manquements sont repérables dans l’ouvrage ; à l’instar de la confusion générique entre « ouvrages » et « œuvres », une démarche méthodologique apparemment peu concordante parce qu’empruntant à plusieurs types d’approches, l’absence des thématiques récurrentes dans les œuvres de jeunesse africaines (l’attrait pour la faune et la flore sauvage, l’initiation des jeunes gens à la vie, la transmission des valeurs citoyennes). Ces lacunes restent fondamentalement insignifiantes devant les atouts nombreux dont regorge l’ouvrage.
Il offre une argumentation logique en tout point, les éléments se tenant les uns les autres dans une congruence et une cohésion remarquable. La facilité de compréhension de l’ouvrage est accentuée par les diagrammes explicites qui traduisent de façon mathématique les résultats des recherches. Ce livre est une véritable propédeutique à l’univers en friche de la littérature de jeunesse au Cameroun. Tout chercheur en littérature africaine, tout acteur de l’édition, de la formation, de diffusion du livre au Cameroun gagnerait à lire ce chef d’œuvre.
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