S’il faut reconnaitre que la partie anglophone a pris de l’avance en ce qui concerne la littérature de jeunesse notamment avec des projets sur ce domaine, on ne pourrait pas en dire autant dans l’espace francophone. Bien plus, il est extrêmement rare de trouver régulièrement des personnes qui se consacrent exclusivement à la littérature dite de jeunesse. Qu’est ce qui justifie donc ce manque d’intérêt ? Ne serait-ce pas la rareté des parcours scolaires et académiques en rapport avec ce domaine de la littérature ? Cette rareté des cursus a pour corolaire une rareté des experts du domaine.
Dans l’Afrique anglophone, il y a des données qui attestent d’un intérêt plus considérable pour la littérature de jeunesse. L’organisation international IBBY (International Board on Books for Young People) dont l’un des objectifs est d’encourager la publication et la distribution des livres de jeunesse de qualité, a trouvé un terrain fertile en Afrique anglophone notamment en Afrique du Sud, au Ghana et au Nigeria. Parlant de l’Afrique du Sud, la plateforme Book dash permet d’avoir accès à une pléthore de livres de jeunesse. En Afrique Francophone, on peut dans une certaine mesure accorder du crédit à l’Edition qui a le vent en poupe. A titre d’illustration, les éditions Akoma Mba au Cameroun et Ago au Togo font un travail qu’il faudrait déjà saluer. S’il est vrai qu’ils se démarquent dans la production des livres, il reste que la distribution n’est réellement pas à grande échelle vu que les libraires n’y accordent pas encore un intérêt de choix. Par ailleurs, dans un de ses articles, Christian Elongue déplorait déjà l’inexistence d’une structure essentiellement spécialisée dans la littérature de jeunesse en Afrique Francophone. Ce constat amer, il me semble, trahit un fait : le manque d’intérêt accordé à cette forme de littérature au niveau scolaire et académique.
De l’absence de la littérature de jeunesse au niveau scolaire et secondaire
D’un point de vue scolaire, on note une absence d’intérêt pour la littérature de jeunesse. On a coutume de dire que la base est la source de toute chose. Il faudrait susciter de l’intérêt pour un domaine du savoir dès les premiers moments de l’enseignement : le primaire et le secondaire en l’occurrence. En effet, si les livres de jeunesse étaient inscrits dans les programmes scolaires en fonction de l’âge et de la classe, un amour pour cette discipline allait déjà naitre dans les esprits et les consciences. A titre d’illustration, l’histoire est déjà au programme au secondaire et c’est pour cette raison qu’il existe aujourd’hui des historiens justement parce que très tôt, ils ont nourrit un amour pour cette matière. L’absence de la littérature de jeunesse à ce niveau entraine une absence de spécialisation et de réflexion au niveau académique.
De l’absence des programmes académiques en littérature de jeunesse
A moins qu’il y ait des intentions encore non dévoilées de création des cursus focalisées sur la littérature de jeunesse, il n’en existe pas en Afrique francophone. Du coup, les réflexions universitaires autour de cette littérature ne sont pas légions. A la fin des courses, on ne peut pas dire que cette absence contribue à sa promotion. L’université est le lieu par excellence de foisonnement de connaissances à travers les conférences, les séminaires et autres rencontres scientifiques. Si nous prenons le cas de la littérature, on peut bien noter qu’on organise constamment des conférences et séminaires autour des thématiques variées. Il y a même des revues dédiées exclusivement à la littérature. On peut noter à titre d’illustration, INTEL’ ACTUEl, une revue universitaire de lettres et sciences humaines basée à l’université de Dschang, dirigée par le professeur Robert FOTSING MANGOUA. Cette carence des cursus entiers dans le monde de la littérature de jeunesse en Afrique Francophone, entraine un second problème.
De la rareté des experts en littérature de jeunesse
L’inexistence des cursus académiques dans le domaine de la littérature de jeunesse entraine par la même occasion une absence ou encore une rareté des experts avertis dans le domaine. En effet, la majorité des personnes engagées aujourd’hui dans le monde du livre jeunesse, dans cette partie de l’Afrique n’ont pas suivi des parcours spécialisés dans ce secteur. Pour certains, ils ont reçu des formations à distance, pour d’autres encore, ils se sont questionnés sur l’éducation des enfants. Ils se sont familiarisés au monde de l’édition jeunesse et de façon autodidacte, se sont progressivement intéressés au domaine en question. A titre d’illustration, quelques personnes dans ce domaine tels que Christian ELONGUE, fondateur de l’association Muna Kalati, Nadine MEKOUGOUM, promotrice des ateliers red’s arts ou encore Amelle TOUKO de l’association Harambe Africa bien qu’elles soient compétentes, ces personnes ne sont pas à proprement parler issues d’un cursus essentiellement centré sur la littérature de jeunesse. Nadine MEKOUGOUM par exemple est une sociologue de formation.
S’inspirer des cursus existants pour en créer en Afrique Francophone
Dans le domaine de la littérature de jeunesse, il faut reconnaitre que sur le plan international, certaines universités offrent déjà des formations. A l’Université de LIEG en Belgique par exemple, il est possible de suivre un cursus dans le domaine. Par ailleurs, les spécialistes de cette institution proposent des programmes dans ce sens sur la plateforme numérique Fun. MOOC. C’est une sorte d’initiation à ce domaine qui permet à l’apprenant d’obtenir une attestation de suivi. Etant donné qu’aucune révolution aussi grande soit-elle n’a été facile, il faudrait déjà que par le truchement de quelques acteurs déjà engagées le domaine, les instances universitaires d’Afrique francophone, se rapprochent des universités et structures internationales qui proposent des formations en littérature de jeunesse afin de gagner en expertise. Après cette phase cruciale, dans un premier temps on pourrait intégrer aux programmes académiques en Afrique francophone, le module littérature de jeunesse comme unité d’enseignement optionnel. Simultanément il faudra aussi travailler en collaboration avec les maisons d’éditions mentionnées ci-dessus et bien d’autres qui produisent régulièrement des contenus de jeunesse. Une fois que ceci sera acquis, on peut oser croire que la littérature de jeunesse fera l’objet des travaux universitaires et suscitera davantage de l’attention et par ricochet des questionnements plus profonds.
Il ressort de cette réflexion que la littérature de jeunesse prendra un envol beaucoup plus grand en Afrique Francophone lorsque les institutions universitaires vont y accorder de l’intérêt. A ce titre, la littérature de jeunesse deviendra un domaine de spécialisation officiel et répandu comme l’est la littérature tout court.