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Writer's pictureMuna Kalati

Décolonisaliser et exposer le racisme dans les livres pour enfants classiques


La littérature jeunesse, les dessins animés, les films pour enfants, les jouets sont devenus le terrain de jeux des mouvements décolonialistes et racialistes, féministes et identitaires. Ils s’emploient à dénoncer, effacer, réécrire tout ce qu’ils désignent être des stéréotypes, des clichés, voire des micro-agressions identitaires. L’objectif est de déconstruire les œuvres, de les passer à la moulinette pour prouver qu’elles participent à imposer un racisme systémique.

Cette époque est absolument terrifiante quand elle cède aux précepteurs moraux et aux caprices de quelques-uns qui se démarquent d’abord par la pauvreté de leur culture générale et de leur réflexion.

BABAR, LE ROI DES ÉLÉPHANTS, À LA SOLDE DES COLONIALISTES ?

Depuis 1931, date du premier livre, le succès de Babar, monument de la littérature jeunesse, se confirme. Mais depuis plusieurs années, des relectures font ressortir des zones d’ombre : et si Babar, l’éléphant dessiné par Jean de Brunhoff, faisait l’éloge de la colonisation ? Des thèses, très sérieuses, sont rédigées par des chercheurs en sciences sociales.

En revenant d’un endroit

civilisé

, Babar semble plus heureux et veut imposer des nouvelles coutumes à ses compatriotes : costumes, architecture, éducation, métiers…

Selon Gilles Boëtsch :

Enfant, je m’endormais avec Babar et la reine Céleste, et je ne suis devenu ni un colon refoulé, ni un royaliste convaincu. J’avais 5 ans et j’avais compris !

MARTINELE CLUB DES CINQALICE DÉTECTIVE… POLITIQUEMENT INCORRECTS

Martine est née chez Casterman en 1954, Alice, l’héroïne d’Alice Détective ainsi que Claude, Annie, François, Mick et Dagobert du Club des cinq sont nés l’année suivante chez Hachette.

Réédités dans les années 2000, dans des versions abrégées (descriptions réduites voire supprimées) et simplifiées (suppression du passé simple), actualisées et pour le moins vidées de leur substance, ces rééditions font grincer des dents nombre de parents et professeurs qui y voient, à juste titre, un nivellement par le bas.

Évidemment, la réécriture du texte passera sous le couperet du politiquement correct. Ainsi, Martine est jugée insuffisamment féministe : l’album Martine petite maman devient Martine garde son petit frère, et dans Martine à la maison le nettoyage de printemps réalisé par la petite fille vise à surprendre ses parents et plus seulement sa maman.

Le Club des cinq et les Saltimbanques est rebaptisé Le Club des cinq et le cirque aux étoiles et sera largement réécrit, édulcoré, aseptisé. Plutôt que de sensibiliser les plus jeunes à l’évolution de la société et à la complexité des relations humaines (droit des femmes et de l’enfant), le politiquement correct appauvrit cette littérature.

DR SEUSS ET A CHINESE BOY

Aux États-Unis, le Dr. Seuss, Theodor Seuss Geisel (1904-1991) de son vrai nom, est une véritable institution de la littérature pour la jeunesse. Mais même les institutions évoluent : la société Dr. Seuss Enterprises, qui gère le patrimoine de l’écrivain décédé, annonce ainsi la fin des ventes de six ouvrages, dont And to Think That I Saw It on Mulberry Street (1937) et If I Ran the Zoo (1950), car « ils dépeignent des gens de manière fausse et blessante ».

Selon les représentants de cette société, il s’agit, en effet, de « garantir que le catalogue représente et soutienne toutes les communautés et toutes les familles. »

Les éléments problématiques seraient des illustrations, notamment de personnes afro-américaines ou asiatiques, influencées par des stéréotypes racistes. Par exemple, And to Think That I Saw It on Mulberry Street, premier ouvrage du Dr. Seuss datant de 1937, présente une personne asiatique jaune, coiffée d’un chapeau pointu, avec des yeux réduits à des tirets.

Accusée de sacrifier à la cancel culture, la société de gestion des droits d’auteur du Dr. Seuss doit faire face, aux États-Unis, à un véritable déchainement de passion.

Si les ouvrages jeunesse de l’Américain, n’ont pas connu, en France, le même succès, son traducteur et éditeur français, Stephen Carrière, s’inquiète de ces nouvelles postures. On lira avec intérêt, l’entretien que celui-ci a donné au site Actualitte.com.

MONSIEUR PATATE, ÉMASCULÉ !

Finie la marque Monsieur Patate, jouet culte du groupe Hasbro. Le fabricant a annoncé jeudi 25 février qu’il allait commercialiser une famille Patate non-genrée, même s’il a ensuite tenu à assurer que les jouets genrés eux-mêmes resteraient. Seuls la marque et le logo perdront l’attribut Monsieur.

À partir d’une forme de patate en plastique, les enfants sont appelés, depuis 1952, à créer leur propre personnage en lui ajoutant des attributs comme des yeux, maquillés ou non, une bouche, avec ou sans rouge à lèvres avec ou sans moustache, chaussures à talon ou pas, etc.

Dans un premier communiqué publié sur son site internet, Hasbro indiquait vouloir désormais « s’assurer que tout le monde se sente le bienvenu dans le monde des têtes de patates en abandonnant officiellement la marque et le logo de Monsieur Tête de Patate » avec l’intention de « promouvoir égalité des genres et inclusion ».

Puis, un autre communiqué, plus bref, l’a ensuite remplacé, indiquant que « les personnages emblématiques de Mr. et Mme Patate ne disparaîtraient pas », et retirant toute mention d’inclusion ou d’égalité des genres. Il s’agit, maintenant, de « célébrer les différents visages des familles. »

PLAYMOBIL : JOUER AUX COW-BOYS ET AUX INDIENS EST UNE PRATIQUE RACISTE

Apparemment soucieuse de suivre la mouvance de la cancel culture, la marque Playmobil a rebaptisé la collection Indiens collection Autochtones, car il est terriblement raciste de jouer aux cow-boys et aux Indiens. Une initiative idéologique qui révèle, comme souvent, une inculture abyssale. À croire que les seuls autochtones de la Terre sont les populations d’Amérique du Nord.

Représentation tout à la fois spéciste et raciste, le chasseur indien de bison n’est plus disponible au catalogue de la marque puisqu’elle rend l’Indien coupable de spécisme, justement. Pas de mise en scène spectaculaire sur les boites.

Et surtout, on chercherait vainement l’affrontement traditionnel des cow-boys et des Indiens : pas question de mettre en scène des affrontements à caractère ethnique. La marque pousse même le progressisme intersectionnel à son paroxysme puisque la boîte Trois Cow-boys contient… une femme ! Si l’attaque de la diligence se fait par des bandits, les Indiens ne se battent pas, même pas entre eux.

MATTEL : BARBIE PROGRESSISTE

Ces dernières années, les fabricants de jouets ont plusieurs fois passé en revue des jouets traditionnels – à commencer par les poupées – en réponse aux dénonciations de stéréotypes sexistes, racistes, ou encourageant des canons de beauté traditionnels.

Les jouets mixtes, destinés à éviter les stéréotypes de rôle masculin ou féminin, notamment, se sont multipliés.

Mattel, créateur des poupées Barbie, a été en pointe, avec notamment sa gamme creatable world, des poupées au corps d’un enfant de 8-10 ans et aux cheveux courts. Les distributeurs ne sont pas en reste, comme les magasins Target, qui essaient d’éliminer de leurs rayons les messages renforçant ces stéréotypes, comme les couleurs rose et bleu.

DISNEY+ CONTRE DISNEY

Que ce soit pour appropriation culturelle, pour stéréotype raciste, caricature exagérée, paroles offensantes, manque de reflet de la diversité, terme offensant ou encore sans qu’aucune explication ne soit disponible, les dessins animés Peter PanDumboLes Aristochats mais également Aladdin et La Belle et le Clochard ont été retirés des profils enfants de la célèbre plateforme de streaming Disney+.

En effet, les corbeaux dans le dessin animé Dumbo sont accusés de véhiculer des clichés racistes contre les Afro-Américains. Les chats siamois présents dans Les Aristochats donneraient une mauvaise image de la communauté asiatique. Quant aux voleurs dans Aladdin, ils auraient le tort de ressembler à des Arabes. Le fait que l’histoire se passe au Moyen-Orient pourrait suffire à expliquer cela.

On peut toutefois y avoir accès depuis un profil adulte (?), Disney ayant ajouté des avertissements avant chacun de ces dessins-animés :

De même, si les cinq saisons de la série culte The Muppet Show sont disponibles sur Disney+ depuis février dernier, les téléspectateurs ont remarqué l’absence de certains passages ou d’épisodes entiers, ainsi qu’un message d’avertissement en introduction de 18 épisodes :

Ce message apparaît durant une dizaine de secondes, par exemple lors d’un épisode avec Johnny Cash chantant devant un drapeau confédéré. Quant à la disparition de certaines scènes ou épisodes, la plateforme américaine ne fait aucun commentaire. Des problèmes de droits d’auteurs ont été évoqués…

SOUL : LES STUDIOS PIXAR ACCUSÉS DE RACISME SYSTÉMIQUE…

Le long-métrage d’animation des studios Pixar, Soul, est sorti sur Disney + le 25 décembre dernier. Le personnage principal – un musicien afro-américain – est doublé par un comédien blanc au Portugal et au Danemark. Une hérésie pour certains qui irait à l’encontre de l’esprit du film.

Pire, cela traduirait un racisme systémique. Le fait qu’un Blanc surfe sur le travail, la notoriété ou la culture d’un homme noir est considéré comme de l’appropriation culturelle.

Pauline Machado, sur le site Terrafemina souligne que :

Les militants français ne voulant pas rester sur la touche, ils en ont profité pour déterrer une veille polémique en ciblant la voix française de Morgan Freeman. Ils reprochent à Benoît Allemane, cet acteur qui double la star hollywoodienne depuis 30 ans… d’être blanc.

WARNER BROS VIRE PÉPÉ LE PUTOIS POUR COMPORTEMENT INAPPROPRIÉ

Aux États-Unis, la Warner Bros a décidé de supprimer de son catalogue l’un des personnages créés en 1945 par le dessinateur Chuck Jones : Pépé le Putois. Désormais considéré comme un harceleur, cette petite mouffette noire et blanche que l’on a vue dans des dizaines de dessins animés aux côtés de Bugs Bunny ou encore Daffy Duck, n’apparaîtra pas dans le film Space Jam 2 qui doit sortir l’été prochain.

Dans un éditorial, le chroniqueur Charles M. Blow du New York Times estimait que ce comportement, même dans un dessin animé, contribuait à normaliser la culture du viol.

Au printemps dernier, la Warner Bros avait fait disparaître Elmer, petit personnage grincheux souvent équipé d’un fusil, alors que les États-Unis étaient en plein débat sur le contrôle des armes à feu.

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